Copyright Gaëtan Beauchamp

(Quebec, Canadá). Poeta, narradora; traductora. Desde 1983 lleva publicados más de diez libros de poesía. Uno de ellos traducido al español como Silenciosos lazos (2010). Entre sus otras publicaciones se cuentan relatos cortos, traducciones de poesía (de Margaret Atwood, entre otras), y cinco novelas. Una de sus novelas, La love, recibió el premio de las Arcadas de Bolonia. Reside en Montreal. En 2013, hizo una residencia de escritura en Buenos Aires.

Sandra

Traducción : Sara Cohen

 

“Sandra me lleva a lo de ella después de la escuela

En su casa blanca rodeada de césped cortado

Su padre está vestido con un hábito

Su madre trenza sus cabellos platino

Se dice por lo bajo que ella bebe

Como una actriz de cine

Las uñas hechas la voz grave

Ella pronuncia bien las “th” en inglés

La alfombra verde pálido hace pistas

Cuando sus pantuflas se deslizan

En el aroma de jabón Yardley

Los animales de ónix observan el silencio

Las plantas tropicales en la bay-window

En pleno invierno

Y el pez rojo que nada apenas

En su pecera de agua clara

Sandra me lleva a lo de ella después de la escuela

Me quedaría hasta el fin de los tiempos”

 

Ellos habitan una casa de dos plantas

En una calle sin nombre y sin rostro

Ella se mira en espejos

Que le devuelven algunos años de más

Ella pasea su deseo en su bolsillo

Ella lo saca a veces para examinarlo

Es una larga lista de almacén

Con caricias de paprika

De salsa de soja

Una larga mirada la tomaría justo aquí

Esperando el fuego verde

Luego ella siente la vereda pulverizarse

Bajo sus pequeños pasos sofrenados

 

La 2e avenue, Éditions du Noroît, 1990.


 

Sandra

 

«Sandra m’amène chez elle après l’école

Dans sa maison blanche entourée d’herbe coupée

Son père est habillé en habit

Sa mère tresse ses cheveux platine

On dit tout bas qu’elle boit

Comme une actrice de cinéma

Les ongles faits la voix grave

Elle prononce bien les “th” anglais

Le tapis vert pâle fait des pistes

Quand ses pantoufles glissent

Dans l’odeur de savon Yardley

Les animaux d’onyx observent le silence

Les plantes tropicales dans la bay-window

En plein hiver

Et le poisson rouge qui nage à peine

Dans son bocal d’eau claire

Sandra m’amène chez elle après l’école

 

J’y resterais jusqu’à la fin des temps»

 

Ils habitent une maison à deux étages

Dans une rue sans nom et sans visage

Elle se mire dans des glaces

Qui lui renvoient quelques années de trop

Elle promène son désir dans sa poche

Elle le sort parfois pour l’examiner

C’est une longue liste d’épicerie

Avec des caresses de paprika

De la sauce soya

Un long regard la prendrait juste ici

En attendant le feu vert

Puis elle sent le trottoir s’effriter

Sous ses petits pas saccadés

 

 

 

«Sandra s’installe

Derrière la haie de caragana

En égrenant des cailloux

Elle m’explique doucement

D’où viennent les enfants

Elle est très renseignée

Sous sa petite jupe circulaire

Michael aide à la démonstration

Avec ses doigts agiles

Je pense à ma grand-mère

Et à mon grand-père

À leurs vingt-deux enfants»

 

Ils s’étendent côte à côte toutes les nuits

Le samedi soir entre onze heures et minuit

Ils ne font plus d’enfants

Ils répètent la même scène

Une scène de cinéma xxx

Dans des draps de finette

Il s’endort quand c’est fini

Elle reste accoudée près de lui

À observer ses pattes d’oie

Ses rêves en broussaille

Sa respiration l’hypnotise

Puis elle sombre dans l’oubli

 

 

 

«Sandra la noire

M’attend dans la cour après l’école

Avec ses yeux de fauconne

Elle crie devant les filles

Que j’ai embrassé son frère

Sous les trains de l’Ontario Northland

Elle me tue je veux l’empaler

Lui crever les yeux les lui arracher

Mais je reste interdite

Je rentre à la maison par derrière

Le cœur en confiture»

 

Après bien des années

Sa main fine dépose les œufs

Dans un même panier

Se rappelle soudain la peau moite

Engourdie sous le désir

Elle dit Comment vas-tu

Il répond Pas si mal et toi

Elle pense à toutes les nuits

Aux réveils blancs

Aux enfants l’hiver

Aux plans de réfection

Aux pannes de courant

Puis laisse tomber

Sans un mot